Espace presse

Show Gérard Lefort à Paris, le handicap humour grinçant !

interview de gerard lefort sur le site handicap.fr
Interview de Gérard Lefort sur le site handicap.fr

Handicap.fr : Vous ne montez pas sur scène, vous roulez…
Gérard Lefort : Oui, « je fais du stand-up mais franchement, ça ne tient pas debout » ; c’est l’une des répliques de mon spectacle « Asseyez-vous, ça va faire mal ! ».Tout est dans le titre !

H.fr : Vous avez rodé ce show au festival off d’Avignon mais c’est désormais Paris que vous comptez séduire.
GL : Oui, c’est à Paris qu’il faut être pour tenter sa chance en tant que comédien. Je joue au théâtre BO, à côté de la place de la République, tous les dimanches à 14h. C’est une petite salle dont la notoriété dans le monde de l’humour grandit. On peut y voir actuellement le spectacle Domino qui a fait salle comble à l’Olympia le 26 février !

H.fr : Pourquoi ? La scène, c’est une passion récente ?
GL : Oui et non. Quand j’étais valide, mes principaux loisirs étaient le judo, la moto, les échecs et le théâtre en amateur. Et puis, en 2003, j’ai eu un accident de la route. Paraplégique, je suis allé vivre aux Antilles et, là-bas, j’ai fondé le « Groupement des acteurs de Guadeloupe », avec l’ambition de fédérer les professionnels et les amateurs pour être une force de proposition face aux décideurs culturels.

H.fr : Vous décrochez votre premier cachet sur la scène nationale de Guadeloupe en 2009.
GL : Oui, c’est en Guadeloupe qu’est née l’idée de devenir professionnel au contact de Bruno Messy, le manager de Domino, qui m’a dit : « Je compte sur toi pour me payer ma retraite ». J’y ai vu comme un encouragement ! Alors, trois ans plus tard, j’ai pris ma retraite anticipée de l’Éducation nationale pour me lancer dans cette grande aventure.

H.fr : Vous avez opté pour un one man show, c’est gonflé…
GL : Seul en scène, sur mon fauteuil roulant, je peux faire passer des messages sur notre société plus ou moins inclusive. Par l’intermédiaire de l’humour, je souhaite aider les valides à prendre conscience des réalités du handicap et donner de l’espoir et de la fierté aux personnes porteuses de handicap.

H.fr : Vous mettez vraiment les pieds dans le plat ! En une heure, tous les petits et grands tracas des personnes handicapées y passent…
GL : Les spectateurs sont là pour rigoler mais si les propos peuvent faire réfléchir aussi, ce n’est pas plus mal. L’autodérision et l’exagération permettent de souligner des situations scabreuses.

H.fr : Un exemple ?
GL : « L’allocation adulte handicapé a augmenté de 9 centimes cet été ! Mine de rien, à ce rythme-là, dans cinq ans, on rattrape le seuil de pauvreté… de 1984 ! Honnêtement, quand on voit ce qu’ils donnent pour un handicapé adulte, on n’a pas envie de devenir handicapé enfant. »

H.fr : Vous parlez beaucoup de sexe aussi…
GL : Oui car c’est une question cruciale. On a tous besoin d’affection et de sexe, et la société a du mal à le reconnaître. Il n’y a qu’à voir la difficulté que rencontre le film« Indésirables » pour être diffusé (lien ci-dessous). C’est un film magnifique qui fera date dans l’histoire du cinéma mais, pour l’instant, très peu de salles acceptent de le programmer.

H.fr : C’est parfois un tantinet trash…
GL : Ah oui ?  Quand je dis : « Mon fauteuil, ce n’est pas de naissance car sinon le gynéco aurait dû utiliser une pelleteuse… ». Mais il y aussi des moments de grande « humanité » comme lorsque je confie que « j’ai déposé ma candidature pour la session des miracles à Lourdes ». Non, je rigole !

H.fr : Et ce spectacle, comment marche-t-il ?
GL : Sans jeu de mot ? Pour être franc, c’est super dur de se faire connaître sans promo ni réseau. Je n’ai pas d’attaché de presse, je n’ai pas de manager, je n’ai pas de producteur. Je dois donner 150 euros au théâtre à chaque représentation ; la semaine dernière, il n’y avait que cinq spectateurs dans la salle.

H.fr : Vous en êtes donc de votre poche ?
GL : Oui mais c’est normal. Comme dans toute entreprise qui se lance, il y a toujours un investissement sur fonds propres. Vous savez, la participation au festival off d’Avignon, c’est une dizaine de milliers d’euros ! Je me donne deux ans pour que ça marche. Sinon, j’irai vivre à Montpellier, la vie y est moins chère…

H.fr : On vous a aperçu dans le court-métrage « Un handicapé c’est attardé », réalisé pour le  Free Handi’se Trophy en 2014 (lien ci-dessous).
GL : Oui, j’avais été recommandé par un copain mais, sur les cinq comédiens, j’étais le seul réellement porteur de handicap. Un bijou d’humour noir qui a d’ailleurs été primé lors du Festival dans la boite organisé par handicap.fr en 2014.

H.fr : Vous êtes également président de la Fédération internationale des droits de la personne handicapée ?
GL : Je l’ai été de mai 2011 à avril 2012. Cette fédération est basée à Montréal, au Canada mais avec une équipe cosmopolite qui s’appuie sur la force des réseaux sociaux. Bien que nous ne nous soyons jamais tous rencontrés, nous avons travaillé efficacement ensemble, grâce à internet.

H.fr : Vous vous êtes impliqué dans le domaine de la prévention routière.
GL : Oui, de 2009 à 2013, j’ai été chargé de mission sensibilisation à la sécurité routière auprès du rectorat de Guadeloupe. J’ai une particularité, je suis toujours motard, malgré ma paraplégie. C’est un plus indéniable pour capter l’attention des élèves, et le fait que je sois une victime d’un accident de la voie publique apporte plus de crédibilité à mes propos. Je préfère le contact humain plutôt que les photos choc qui perturbent et que l’on met de côté. Je n’emploie jamais de discours moralisateur ; on parle de nos ressentis et on essaie vraiment de construire quelque chose avec ces jeunes.

Asseyez-vous, ça va faire mal !, par Gérard Lefort
Tous les dimanches à 14h, jusqu’au 7 juin 2015
Théâtre BO 19 bd Saint-Martin 75003 Paris


Article

Cliquez ici pour voir l’article sur le site handicap.fr